Zéro marge de manoeuvre

Si une dépense imprévue de plus de 200 $ survient durant le mois, plus de la moitié des Québécois frôlent l’insolvabilité financière, selon un sondage paru récemment dans les médias. Qu’en est-il en réalité ?

« Je ne suis pas surpris par cette donnée. Cela confirme ce que je vois sur le terrain », dit Roger Lafrance, conseiller budgétaire pour l’ACEF de Saint-Hyacinthe depuis plus de 20 ans.

Le portrait n’a pas changé pour les gens comme les personnes âgées avec leurs rentes de retraite et les gens sur l’aide sociale. « Ils n’arrivent pas », dit-il.

Le couple de travailleurs

M. Lafrance constate une vulnérabilité chez les ménages. Tous connaissent ce couple parfait avec deux enfants qui possède une maison, deux voitures. « Les deux travaillent et je remarque qu’ils sont les plus endettés. »

L’endettement culmine à des sommets inégalés. Pour 100 $ de revenu gagné, le Québécois est endetté de 170 $. « Les gens n’ont pas de marge de manoeuvre ou de coussin de sécurité. Dès qu’ils ont un pépin, ils sont dans la « snoute », observe Roger Lafrance.

Dépendant de leurs revenus, les gens devraient avoir 1 000 $ à 6 000 $, soit l’équivalent de trois mois de salaire, de côté. Ce montant pourrait être utilisé en cas de bris de voiture ou d’électro-ménager. « Aujourd’hui, précise M. Lafrance, ce coussin de sécurité est remplacé par la carte ou la marge de crédit. »

Épargne systématique

M. Lafrance recommande de prendre l’habitude de mettre 5 $, 10 $ ou 20 $ par semaine dans un compte ou une enveloppe cachée. « Il faut bâtir sur le succès et non se fixer des objectifs trop élevés sinon cela risque d’être un échec. »

Lui-même ramasse les bouteilles vides et cannettes en aluminium. « Je place l’argent dans une tire-lire. Au bout du compte, je me gâte avec cet argent en m’achetant des CD. »

Faire des choix

Les couples et parents de deux ou trois enfants doivent faire des choix afin de réduire des dettes. « La classe moyenne adopte un rythme qui coûte cher avec la belle maison, la piscine, les deux autos, le voyage dans le Sud », illustre-t-il

Si un enfant joue au hockey, les frais supplémentaires s’élèvent à environ 2 000 $ par année. Un ami, papa d’un joueur de 12 ans, confie que l’équipement sportif peut varier entre 500 $ et 800 $. « J’achète les patins, soit le modèle de l’an dernier, en spécial à l’été. »

« On veut donner le meilleur à ses enfants, dit M. Lafrance. Il y a des conséquences et on doit le prévoir dans le budget. L’important, c’est de faire des choix pour éliminer le stress et se donner une qualité de vie. »

Stéphanie Poulin, conseillère en réorganisation financière chez Pierre Roy & Associés

Tabou

De son côté, Stéphanie Poulin parle que l’argent dans une famille ressemble à un tabou. « Comme parent, il faut apprendre à dire non et utiliser un budget, un outil qui ne s’est pas transmis d’une génération à l’autre », remarque la conseillère en réorganisation financière chez Pierre Roy & Associés.

Durant un moment de libre, on fait l’exercice de revoir nos revenus versus les dépenses. « Ce que je ressens sur le terrain, ajoute-t-elle, c’est que les gens retardent de voir la situation en face et ils vivent avec une pensée magique qu’ils auront une rentrée d’argent et ils finissent par y croire. »

Car les consommateurs ont accès à un instrument, cette petite carte en or ou en argent qui vient palier à leur manque d’argent pour payer parfois l’essence ou l’épicerie. Ce crédit, il faut toutefois le rembourser à chaque mois.

Si on se sent étouffé par nos dettes, on n’hésite pas à demander conseil à des organismes comme l’ACEF ou des bureaux de syndics autorisés en insolvabilité reconnus.